Retour à la liste JEAN-PIERRE ALAUX invité d'honneur


C'est au royaume des créateurs que Jean-Pierre Alaux a cueilli les fruits mûrs de son enfance. Pour lui l'agrume défendu, celui auquel Adam n'avait eu droit, celui de la science, lui, Jean-Pierre Alaux, en a humé le parfum de sa fleur naissante.

Car par Lui, et pour nous par Lui, tout le monde qu'il nous fait visiter est fait de découvertes.
De sa jeunesse, Jean-Pierre Alaux a gardé cette pureté du regard qui fait que dans toute chose, dans toute ombre il découvre le sosie, ou le frère jumeau qui s'y cache. Certains pensent qu'il transforme les objets dans ses huiles ou dans ses sculptures, ce n'est pas cela, il les complète et nous en montre l'aspect caché. Il révèle au monde, mais aussi à lui-même, le génie cornu bourré d'excroissances qui s'est endormi dans une racine en train de dévorer quelque créature humaine.

De son adolescence, Jean-Pierre Alaux a précieusement cueilli les grâces et les canons de la beauté de la femme.

Au cours des ans il les a perfectionnés et ce qu'il nous en exprime actuellement est le couronnement d'une beauté des plus pures, des plus parfaites.

Les talents de peintre figuratif de Jean-Pierre Alaux lui permettent une écriture précise de son sujet dans lequel la Femme ocupe une place prépondérante, où le détail de la transparence d'une peau fine et lisse, dispute à notre regard la douceur veloutée d'un sein. Tandis qu'il nous tente par les courbures d'une hanche aux infinis de tendresse prometteuse, et par les lignes d'un corps aux harmonies sans égal.
Ici, pour les femmes, non pour la Femme, car Jean-Pierre Alaux, l'artiste reste aujourd'hui fidèle au même idéal féminin pour lequel il ne fait pas d'invention particulière. Elle est partout, identique et différente. Car, Elle reste constamment la même, elle est ELLE, elle est Tout. Elle apparaît un peu partout, sort de partout, sous toutes les formes. C'est sa chose, à Lui, Jean-Pierre Alaux l'artiste. C'est son unique modèle féminin, c'est son obsession à Lui, lorsqu'il veut nous montrer la perfection de la beauté.

Mais ses qualités démonstratives sont portées plus loin encore par l'esprit inventif d'un Jean-Pierre Alaux qui réinvente le monde de la matière, comme celui des vivants. Si Jean-Pierre Alaux redispose formes et volumes, si il crée l'étrange, si le rêve devient quotidien, l'histoire qui les fait naître contient le plus souvent les fondements d'une philosophie, parfois ancestrale, pour ne pas dire d'une morale familiale. En effet, la très longue lignée de la famille des Alaux fut entièrement nourrie à la source des Arts et des Créateurs, et ce de générations en filiations.
Il n'est pas surprenant alors, que Jean-Pierre se saisisse des briques du monde pour bâtir son propre édifice. Le rêve y est fait de réalités, la sagesse des hommes y a chassé toutes les laideurs des sentiments, et la beauté y diffuse tout son éclat.
La beauté, c'est même là le fondement de l'oeuvre de Jean-Pierre Alaux. Elle est partout, elle est le lieu et le cadre, l'écrin qui enserre le joyau : Elle est la Femme, son modèle féminin.
Mais la description serait imparfaite si on en exclut cette redistribution des choses, des objets et de la composition des moyens de la vie, qui font l'originalité de ses tableaux. Tout est recomposition, les vivants eux-mêmes sont réinventés, et encore plus ce qui les entoure, même les expressions et l'écriture.

Cependant il ne faut pas s'y tromper, Jean-Pierre Alaux sait parfaitement marquer quand il le faut et avec force, sa vision de sa réalité, tout en l'incluant dans les symboles qui vont ma marquer.

Ainsi en est-il dans sa crucifixion.

Toute la douleur psychologique de la Passion y est gravée dans les traits du visage de son Christ.

Car le Christ de Jean-Pierre Alaux est son Christ, il est Son interprétation, Sa vision de l'événement qui a marqué à jamais l'humanité. Ce que nous dit dans son langage pictural Jean-Pierre Alaux est que :

Par lui, est entrée la continuité de l'enseignement d'Israël, avec le respect de la Loi, et du Corps.

Par lui s'est répandue la compassion de la souffrance des autres.

Par lui est née la fraternité humaine, et qui demain s'étendra à toutes les vies.

Par lui est née la notion de partage du brouet clair, comme de l'abondance.

Par lui s'est développée la notion du pardon des juifs.

Il faut le regarder, ce Christ de Jean-Pierre Alaux :

Les marques de la trahison de ses apôtres n'y dissimulent pas celles de l'indifférence de ceux qu'il a soulagés et servis. Et pas plus que ne s'y dissimulent les stigmates causés par ceux qui n'entendront pas, ou qui déformeront par cupidité, ou par désir du pouvoir, son chemin de souffrances semé du cri interminable de son agonie.

Son corps est témoin de son supplice physique, tournent terrestre de sa chair qui n'engloutit pas cependant celui de son esprit. Plaies ouvertes d'où se répand un sang nourri de toutes les parcelles de son être, et avec lequel il fera le don suprême, prix précieux de notre rédemption.

Dans sa toile de Jean-Pierre Alaux, la croix est plantée sur une mappemonde bordée d'une demi fleur de soleil, symbole de notre monde. Elle est porteuse des poussières de nos vies défuntes, et incrustés dans son socle par la frontière sinueuse du bien et du mal, le yang et le yin des sages que précisent les chuffres 999 et 666. La Croix est aussi source des rayons qui a parcourent, avant d'éclairer le monde. De la tête du Christ des rayons en auréole sont chargés du sang rédempteur qui s'inscrit en rouge sur fond blanc, pour que Pureté et Souffrance cloisonnent l'univers, afin que soient marqués l'alpha et l'oméga que surmonte l'Infini d'Amour et du Temps. Car d'autres liront ces lettres dans le sens sacré de la droite vers la gauche.

La Vierge cache les pleurs d'une mère que Saint-Jean ne peut consoler.

L'univers entier qui est aux pieds du sacrifié, ne saurait engloutir l'instant où la chair devient esprit.

Le linceul qui l'accompagne ne devient que le témoin lancé vers le futur incrédule et sur lesquel se sont inscrites toutes les valeurs du grand Pourquoi de la Création.

Si Jean-Pierre Alaux a réinventé le monde, c'est parce que le philosophe, l'humaniste qui est en lui a voulu nous laisser un message codé, car il ne faut pas donner les perles des mots aux pourceaux, faute de quoi ils en font des déchets qui polluent les esprits.
Seuls ceux qui cherchent, ceux qui veulent, ont droit au sens caché des choses ; pour les autres, il leur reste la beauté toute simple et évidente des toiles de Jean-Pierre Alaux.


Christian GERMAK