Michel Ciry aura traversé son époque sans en subir la contagion. Il est demeuré fidèle au visage humain. Picasso n'a rien détruit pour ceux qui croient en l'âme humaine. La créature qu'il a génialement disloquée, se reconstruit autour de l'âme et les traits du visage déshonoré retrouvent leur place éternelle. Michel Ciry est le peintre d'une certaine solitude qui atteint son expression dernière dans la vieillesse, dans le dernier âge, mais non d'une solitude sans recours. Je possède à Malagar une Sainte Face : le Christ tel qu'il le voit, et tel qu'il nous le montre, est un homme entre les hommes ; c'est un visage ordinaire qui ne se distingue pas du nôtre. La divinité rayonne pourtant autour de cette pauvre figure pareille à beaucoup de celles que nous croisons dans la rue. Il n'est pas de portrait, de paysage, de nature morte dans l'oeuvre de Michel Ciry, que la même présence n'anime sourdement, et c'est ce qui la rend singulière dans ce monde que la mort de Dieu, proclamée par Nietzsche, condamne à l'abstrait, et qui ne hait peut-être la figure de l'homme, que parce qu'elle lui rappelle cette âme qu'il a perdue. François MAURIAC |